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HISTOIRES DE VIES
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26 juin 2011

Suite de l'histoire de Georges

Ils descendaient à pied, le père et le fils. Juste aux premières lueurs de l'aube parce que le jour était précieux et qu'il fallait laisser au jardin, en bout de journée, le nécessaire et un peu plus. Le plus âgé était une force de la nature, bâti comme un bûcheron, avec des mains longues et massives, noueuses aux articulations. Un colosse à côté de qui le fils faisait presque fluet mais, à douze ans, rien que de très normal. Il aurait le temps de se rattraper. Sa mère lui avait coupé, dans un drap fatigué, un bourgeron bleu foncé, de quoi patouiller dans la caillasse toute la journée. Il était fier de s'afficher à l'ombre de la silhouette paternelle qui était d'un seigneur de la carrière. Quand on disait Ange, on avait tout dit.
Le premier matin qu'il fut au front de taille, Georges resta un long moment à regarder le jour comme il se découpait. Il contempla longtemps ces hommes qu'il croisait ordinairement dans la rue et qu'il découvrait là dans l'immensité d'un décor à quoi, pourtant, ils dictaient leurs ordres. La carrière était un étrange paysage lunaire, un planisphère où les blocs figuraient des continents à la dérive, une immense banquise entre blanc et gris, dont ils faisaient crouler des pans entiers, comme des morceaux de ciel.
« Oh, tiot, reste pas là à rêver ! » Le voici pris d'un coup dans la fraternité rude et taciturne des gens de labeur. Derrière qui, toujours, rôde la mort. Le liais vous fait ses deux tonnes cinq au mètre cube. Pas la peine de dire qu'on ne fait pas le malin quand on est sur le chantier.
Ce matin-là de juillet 1890, il fait chaud. Très vite les hommes ont soif. Ils l'envoient chercher les provisions mises au frais, dans un repli de la roche. Son père verse le vin dans un quart et le coupe d'eau fraîche. Il sort le casse-croûte au pâté, une demi-baguette, il lui en tend un morceau, « Tiens ! Prends des forces ! » comme s'il allait en avoir besoin alors que son travail, aujourd'hui, ce sera juste de regarder. Et d'écouter. Car ils vont leur jouer, à lui et aux trois autres jeunots, comme lui rescapés de l'école primaire pour faire les mousses, la chanson du carrier. La clique : les deux Ritals, un de Saint-Max, ceux de Trossy et son père.

 

(à suivre...)

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