Sur le chantier
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L'atelier de taille
On était dans un hangar de tôles ondulées. Cinq tailleurs sous la responsabilité d'Hilaire Degan qui répartissait les tâches.. Tous des vieux de la vieille connaissant leur boulot sur le bout des doigts : Joseph, Marcel dit « Bancroche » parce qu'il boitait, Léon dit « Fil-en-trois » parce qu'il ne rechignait pas devant l'eau-de-vie, Maurice et « le Zoziau » : papa, ainsi surnommé parce qu'il avait toujours une chanson sur les lèvres.
Dans l'atelier, c'était une ambiance à part. Quelque chose de studieux et de calme, d'appliqué. On travaillait sans précipitation. Pas d'à-coup. « Jamais de brusque », disait Hilaire, qui avait quelque chose de professoral. Chacun avait sa caisse à outils, une énorme caisse en bois munie de sangles de cuir impressionnantes mais, vu le poids, les caisses étaient posées là une fois pour toutes. Sauf lorsque la bougeotte prenait l'un ou l'autre car, à cette époque, on quittait un patron le soir et on en avait un autre le lendemain matin. Mais, aux Glachoirs, ça ne bougeait pas beaucoup.