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HISTOIRES DE VIES
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16 octobre 2011

Fin de l'histoire, avant la sortie du livre

 

On y alla le dimanche. Papa avait prêté sa bécane à Tadeusz. On poussa d'abord jusqu'à Saint-Vaast. Je tenais absolument à lui montrer « ma » carrière. Il avait visité celles de Saint-Max mais quand on fut sur le petit chemin, à pousser nos vélos, il murmura : « Jest to piekne. Wydaje sie raj [C'est beau. On dirait le paradis] ». Il ajouta : « Alors, tu vas passer ta vie ici ? » Je souris en hochant la tête : « Tu comprends pourquoi ». Lui non, la mine, ça ne le tentait pas du tout…
Il plut tout de suite à grand-père, qui se souvint avoir connu un Polonais dans sa jeunesse, juste après la Grande Guerre. On eut droit à un verre de frénette et à une tranche de quatre-quarts.
Tadeusz s'assit à la table de la salle et commença à griffonner. Il fit quelques esquisses à grands traits. Il tournait les pages de son carnet. Il ne gommait pas : il tournait la page et recommençait. Un moment il s'attarda sur un croquis, il se reculait légèrement pour juger de l'effet et sembla, oui, presque satisfait de lui. « Tu vois, je crois que ça lui ressemble assez mais il y a quelque chose dans le bas du visage qui ne colle pas. » Je me penchai par-dessus son épaule : c'était lui, je reconnaissais parfaitement son petit sourire en coin et son regard vif, pointu. J'en restai saisi. Quant à mes grands-parents, ils en demeurèrent muets d'admiration. Grand-mère dit : « Oh ! Je vais l'encadrer… »

Le jour du départ, ce fut un déchirement. Maman avait tricoté un pull à Tadeusz, un joli pull d'hiver avec des fins de pelotes, elle avait glissé un cake dans sa valise. Toute la cité était là, et tout Saint-Max. On s'embrassait, on sortait déjà les mouchoirs, on pleurait.
Tadeusz était assis dans le fond du car, près de la fenêtre. Le chauffeur mit le moteur en route et, lentement, le Renault s'ébranla. Il avait fait une centaine de mètres quand j'entendis crier « Georges ! Georges ! » C'était Tadeusz. Je piquai un sprint mais le chauffeur passa la troisième et le car fila. Alors Tadeusz passa le bras par la fenêtre et me lança quelque chose. C'était une feuille blanche qui voletait. Le temps de me baisser pour la ramasser, le car avait tourné au bas de la rue.
On était là, tous les deux, au crayon sur le blanc de la feuille. Comme si on avait posé côte à côte. Il avait griffonné un cadre, comme pour un tableau et, dans un cartouche, il avait écrit : « Deux amis ».

 

FIN

aube

Une des illustrations du livre

(N.D Frisque)


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